Texte 1 de Juliette d'après une photo d'Helmut Newton

Fil d'ariane

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Ô l'amour, j'ai toujours su qu'il rendrait ma folie plus grande encore, j'ai toujours su que le jour où j'aimerais vraiment, je finirais par sombrer, un jour, lorsque les choses iraient mal, lorsque mon orgueil, cette chose terrible que nous avons tous, envahirait mes pensées, mon être tout entier.

Je le savais, mais je l'oubliai lorsque je rencontrai Édouard. Il avait quarante-sept ans, j'en avais seulement vingt-deux. C'était une belle journée de septembre, lors d'une exposition dans une galerie parisienne. L'art m'a toujours fascinée, une sorte de voyage personnel, intérieur. Cette sortie était alors pour moi une énième évasion que je vivais avec joie et solitude.

Mais cet isolement ne dura pas longtemps quand je découvris non loin de moi un homme, observant une œuvre avec beaucoup de profondeur. Je le regardai : sa façon d'être, son observation m'attiraient alors plus que l’œuvre devant moi, celle pourtant qui avait attiré mon regard en entrant dans ce lieu.

Voilà comment j'ai rencontré Édouard, il avait fini par remarquer mon regard insistant et celui-ci avait donné naissance à une longue et belle histoire d'amour qui dura près de neuf années.

Je l'aimais, ô combien je l'aimais, et pourtant, pourtant je ne pus le garder près de moi plus longtemps.

Un soir de juillet, alors qu'il rentrait d'une conférence dont il avait été l'acteur principal, je l'embrassai, et lui proposai un verre de vin blanc sec comme il l'aimait. Il le dégusta rapidement, assis près de moi. L'alcool avait déjà atteint une partie de son esprit, il commença alors à passer sa main, avec délicatesse, sur le haut de ma cuisse, lorsque, le souffle coupé, il s'écroula sur le sol, inerte.

Ce fut rapide, efficace, il ne souffrit pas, je vous l'assure. Il aura eu une belle mort, Édouard, mon bel Édouard. Un soupçon de poudre, et le voilà envolé vers d'autres cieux.

C'était un homme merveilleux, mais il me trompait, il me trompait, oh non, je n'aurais jamais pu le lui pardonner, je ne pouvais plus le supporter, je ne savais plus quoi faire, comprenez, cela durait depuis plusieurs mois sans qu'il ne me dise quoique ce soit à ce sujet. Il méritait de mourir, en cette chaude soirée d'été.

J'ai toujours su que l'amour me mènerait à la folie.

 

Juliette Herpin