La bibliothèque intercommunale de Beauce la Romaine organisait dans le cadre du Festival Vagabondag(e)s un atelier GIFs.

Dans le cadre des "500 ans de la Renaissance" en région Centre Val de Loir, l'idée était de détourner des chefs-d'œuvre de la Renaissance

et force est de constater que les participants s'en sont donné à cœur joie ...

 

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Vous aimez le Loir-et-Cher ? Partager des lieux, des souvenirs ? Rencontrer un auteur ?

Le Loir-et-Cher comporte 53 habitants par kilomètre carré. Toute personne ayant un souvenir sur un lieu, un monument, un arbre, un banc… situé dans le département est invitée à poster son texte, photo, vidéo ICI

53 contributeurs seront tirés au sort pour élire le km2 idéal sur lequel l’auteur, Mathieu Simonet, partira en résidence. Il y rencontrera les publics au cours de différentes manifestations et produira un texte.

Dans le cadre d'une réflexion personnelle sur les liens entre le texte et les images, Clément Bénech a voulu faire intervenir les participants de l'atelier sur un texte autour d'une image. Autour, et non à propos, car le but était justement de ne pas répéter ce que l'image contenait déjà comme informations.

 

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Trois textes en sont nés :

Texte 1 de Juliette d'après une photo d'Helmut Newton

Texte 2 de Maguy d'après une photo de Nan Goldin

Texte 3 des soeurs d'après une photo de Robert Doisneau

 

 

 

 

3835 Robert Doisneau Musee d Ixelles

 

Quel dommage, dans deux semaines nous serons tous en vacances car la fin de l’école aura sonné.

Alors commencera le travail dans les champs avec nos parents :

Ramasser les pommes de terre, cueillir les cornichons qui nous piquent les doigts, mettre les gerbes de blé en « terriau ».

Tout ça n’est pas gai, car depuis le mois d’octobre et durant toute l’année scolaire nous avons cumulé les bêtises à faire en classe pour faire rire les copains.

Nous étions bien organisés, en équipe ; la bande de copains de Champcol qui devait rivaliser avec celle du Bourgeau. Un chef dans chaque équipe : moi, Pierre, pour Champcol, et Georges pour le Bourgeau.

Tous ces souvenirs me sont remontés en mémoire lorsque j’ai aperçu Georges au bout de la rue à Selles.

— Quel plaisir de te revoir, mon vieux Georges, ça fait si longtemps !

— Eh oui, au moins quarante ans, depuis notre rivalité sur les bancs de l’école, et la cour de récréation.

— Te souviens-tu de la fois où notre clan avait déréglé le guide-chant de M. Besançon ?

— Ça ne vaut pas notre blague de mettre de la craie dans les encriers, durant le cours de maths de M. Buisson ! Avec consigne de ne pas se faire prendre par notre bon vieux M. Durand…

— Celui qui était pris avait pour gage de faire dix fois le tour du « champ de foire » sur les mains.

— Allez, tu viens, on essaie de refaire le poirier sur la place ?… avec nos quelques kilos en plus !

— Chiche !

 

Les soeurs

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Quels rêves me hantent aujourd’hui en remontant le temps ?

Assis à ma fenêtre, oisif, pensif, observant le bleu du ciel et de la mer ?

Qu’est devenu cet ami lointain dans mes pensées, perdu en mer et dont la trace s’est perdue à jamais, laissant derrière lui une vie pleine et riche qui ne pouvait pas le retenir à nos côtés ? Le mystère demeure et me trouble alors que ciel et mer calmes et tranquilles dans leur bleu paisible devraient m’apporter des pensées sereines. Serais-je une des causes de cette soudaine disparition ? Je réfléchis à notre amitié et à ses aspects troublants qui nous laissaient parfois perplexes. Nous nous étions connus très tardivement, déjà installés dans la vie. Notre rencontre avait ébranlé nos certitudes tout en nous apportant un nouvel élan, de nouvelles perspectives. Cette soudaine instabilité survenue dans nos vies bien malgré nous était une richesse indomptable. Pouvait-elle être la cause de ce départ soudain ?

Je remonte le temps, essayant de fuir le fruit de la culpabilité pour garder ma lucidité. La beauté du paysage m’apporte le calme mais laisse couler mes pensées inexorablement, m’entraînant dans le passé destructeur malgré lui. Ne devrais-je pas rester dans le temps présent et la quiétude du paysage que j’ai sous les yeux ? Accepter que la tempête menace toute quiétude… et que nous n’y pouvons rien.

 

Maguy

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Ô l'amour, j'ai toujours su qu'il rendrait ma folie plus grande encore, j'ai toujours su que le jour où j'aimerais vraiment, je finirais par sombrer, un jour, lorsque les choses iraient mal, lorsque mon orgueil, cette chose terrible que nous avons tous, envahirait mes pensées, mon être tout entier.

Je le savais, mais je l'oubliai lorsque je rencontrai Édouard. Il avait quarante-sept ans, j'en avais seulement vingt-deux. C'était une belle journée de septembre, lors d'une exposition dans une galerie parisienne. L'art m'a toujours fascinée, une sorte de voyage personnel, intérieur. Cette sortie était alors pour moi une énième évasion que je vivais avec joie et solitude.

Mais cet isolement ne dura pas longtemps quand je découvris non loin de moi un homme, observant une œuvre avec beaucoup de profondeur. Je le regardai : sa façon d'être, son observation m'attiraient alors plus que l’œuvre devant moi, celle pourtant qui avait attiré mon regard en entrant dans ce lieu.

Voilà comment j'ai rencontré Édouard, il avait fini par remarquer mon regard insistant et celui-ci avait donné naissance à une longue et belle histoire d'amour qui dura près de neuf années.

Je l'aimais, ô combien je l'aimais, et pourtant, pourtant je ne pus le garder près de moi plus longtemps.

Un soir de juillet, alors qu'il rentrait d'une conférence dont il avait été l'acteur principal, je l'embrassai, et lui proposai un verre de vin blanc sec comme il l'aimait. Il le dégusta rapidement, assis près de moi. L'alcool avait déjà atteint une partie de son esprit, il commença alors à passer sa main, avec délicatesse, sur le haut de ma cuisse, lorsque, le souffle coupé, il s'écroula sur le sol, inerte.

Ce fut rapide, efficace, il ne souffrit pas, je vous l'assure. Il aura eu une belle mort, Édouard, mon bel Édouard. Un soupçon de poudre, et le voilà envolé vers d'autres cieux.

C'était un homme merveilleux, mais il me trompait, il me trompait, oh non, je n'aurais jamais pu le lui pardonner, je ne pouvais plus le supporter, je ne savais plus quoi faire, comprenez, cela durait depuis plusieurs mois sans qu'il ne me dise quoique ce soit à ce sujet. Il méritait de mourir, en cette chaude soirée d'été.

J'ai toujours su que l'amour me mènerait à la folie.

 

Juliette Herpin